L'art plastique, une science
Léonard de Vinci polymathe
Léonard de Vinci est formé à Florence par Andréa del Verrocchio à nombre de techniques et de notions diverses comme l'ingénierie, la machinerie39, la mécanique, la métallurgie et la physique. Le jeune homme est également initié à la musique, il étudie des notions d’anatomie superficielle, de mécanique, des techniques de dessin, de gravure, l’étude des effets d’ombre et de lumière et, surtout, étudie le livre de Leon Battista Alberti De Pictura qui est le point de départ de ses réflexions sur les mathématiques et la perspective. Tout cela permet de comprendre qu'à l'instar de son maître et d'autres artistes de Florence, Léonard rejoint la famille des polymathes de la Renaissance.
Au xve siècle, la peinture est encore considérée comme un simple travail manuel, activité vue comme méprisable. Son caractère intellectuel n'est affirmé que par Leon Battista Alberti dans son ouvrage De pictura (1435) puisque, souligne-t-il, la création d'un tableau implique l'usage des mathématiques à travers la recherche de la perspective et de la géométrie des ombres. Mais Léonard veut aller plus loin et, il désire la placer au sommet de l'activité scientifique. Selon lui, la peinture — qui ne peut se limiter à une imitation de la nature (du sujet) — trouve son origine dans un acte mental : la compréhension. Cet acte mental s'accompagne ensuite d'un acte manuel : l'exécution. L'acte mental est la compréhension scientifique du fonctionnement intime de la nature afin de pouvoir la reproduire sur un tableau. Et ce n'est qu'à partir de cette compréhension qu'intervient l’exécution, l'acte manuel nécessitant un savoir-faire.
Pour comprendre le fonctionnement de la nature, l'observation simple sans méthode des phénomènes ne suffit pas, inlassablement Léonard observe et analyse les phénomènes en utilisant la démonstration et le calcul mathématiques. Cette méthode prend pour point de départ les modèles mathématiques qu'Alberti utilise dans la recherche de la perspective et Léonard étend cette dernière à tous les phénomènes observables (l'éclairage, le corps, la figure, l'emplacement, l'éloignement, la proximité, le mouvement et le repos). L'attrait que les mathématiques et la géométrie exercent sur le peintre trouve vraisemblablement son origine dans l'école platonicienne qu'il découvre dans les années 1495 - 1499. Ses carnets témoignent durant ces années d'une grande activité de recherches en mathématiques et en géométrie. Il découvre également Platon qui, dans son Timée, établit une relation entre les éléments et les formes simples : terre/cube, feu/pyramide, eau/icosaèdre, air/octaèdre. De ce fait, pour Léonard, l'espace appelé à être reproduit sur un tableau est parcouru de points, de lignes et de surfaces mathématiquement quantifiables et mesurables changeant leurs propriétés à chacune de leur position ; ce faisant, la peinture devient une science totale de la vision par laquelle Léonard développe notamment d'autres aspects de la perspective et de l'usage de l'ombre et de la lumière.
Mais, pour Léonard qui entend placer la peinture au-dessus de l’esprit et des sciences, les sciences quantitatives ne suffisent pas ; afin d'appréhender les beautés de la nature, il faut recourir aux sciences qualitatives. Suivant en cela les pythagoriciens et Aristote, Léonard trouve l'origine du beau dans l'ordre, l'harmonie et les proportions. Pour Léonard, dans le domaine de l'art, les principes de quantité et de qualité sont indissociables et de leur relation naît logiquement la beauté. La perfection des mathématiques sert la perfection de l'esthétique. D'autre part, Léonard évoque la présence de contours « véritables » et de contours « visible » aux objets opaques. Le contour véritable indique la forme exacte d'un corps, mais celle-ci est presque invisible à l'œil non averti, et devient plus ou moins flou en fonction de la distance ou du mouvement du sujet. Il souligne ainsi l'existence d'une vérité scientifique et une vérité visible ; c'est cette dernière qui est représentée dans la peinture. (Nombre d'or, proportion des copris).
L'artiste
Pour Léonard de Vinci, la peinture est maîtresse de l'architecture, de la poterie, de l'orfèvrerie, du tissage et de la broderie, et elle a, par ailleurs, « inventé les caractères des diverses écritures, donné les chiffres aux arithméticiens, appris aux géomètres le tracé des différentes figures et instruit opticiens, astronomes, dessinateurs de machines et ingénieurs ». Pourtant, les experts n'attribuent à Léonard, longtemps connu pour ses tableaux, que moins d'une quinzaine d’œuvres peintes. Beaucoup d'entre-eux demeurent inachevés et d'autres à l'état de projets. Mais aujourd'hui Léonard est aussi connu comme siégeant parmi les esprits les plus ingénieux, les plus prolifiques : à côté du petit nombre de ses peintures se trouve la masse énorme de ses carnets, témoins d'une activité de recherches scientifiques et d'observation minutieuses de la nature.
La peinture est une science
« En vérité, la peinture est une science et l’authentique fille de la nature, étant son rejeton. » Carnets, p. 1032, Ms. 2185, 20 r.
« Les sciences mathématiques ne s'étendent qu'à la connaissance de la quantité continue [les mathématiques] et discontinue [la géométrie], mais ne se préoccupe pas de la qualité, qui est la beauté des œuvres de la nature et de l'ornement du monde. »
— Léonard de Vinci, Ms.Codex Urbinas
Après l'acte mental vient l'acte manuel, le noble travail de la main, qui en tant qu'intermédiaire entre l'esprit et la peinture s'occupe de « l’exécution bien plus noble que ladite théorie ou science ». Cette noblesse réside entre autres dans le fait que cette main, dans son œuvre, va jusqu'à à effacer la dernière trace de son passage sur la peinture. L’œil, quant à lui, est la fenêtre de l'âme, le sens privilégié de l'observation, l'intermédiaire entre l'Homme et la nature. L’œil et la main travaillent de concert échangeant sans cesse leurs connaissances et c'est de cet échange que, pour Daniel Arasse, « se noue le caractère divin de la peinture et que se joue la création du peintre »
La perspective est par définition, la science géométrique
La perspective par définition est la science géométrique qui consiste à transposer les formes et les proportions relatives des éléments composant un espace réel ou imaginaire en 3 dimensions. Les fondamentaux tels que la ligne d’horizon, les points de fuite et les objets qui rétrécissent en s’éloignant sont bien connus des occidentaux qui ont fait de ces principes de constructions leur standard, appelée la perspective classique. Ces termes désignent des variantes mathématiques.
La couleur est-elle une science ou un art?
La couleur est à la fois science et art. Pour mieux comprendre la couleur, commençons par le commencement.
Qu’est-ce que la couleur?
La couleur est la perception de la lumière réfléchie, exprimée par une teinte, une luminosité et une saturation. C’est notre sensation visuelle qui nous aide à distinguer entre des objets qui seraient autrement similaires. La teinte est la gradation entre les couleurs qui nous permet de les classer comme du rouge, du jaune, du vert ou du bleu ou tout intermédiaire entre deux paires contiguës. La luminosité est la dimension de la couleur d’un objet par laquelle l’objet réfléchit plus ou moins de lumière incidente. La saturation est le degré de différence entre le gris neutre et une couleur ayant la même luminosité. On parle parfois de la pureté de la couleur.
Comment l’œil humain interprète-t-il la couleur?
Pour voir la couleur, trois éléments doivent être présents : de la lumière, un objet et un observateur. La lumière rebondit sur l’objet et est perçue par l’observateur comme une couleur, qu’elle soit magenta, jaune maïs ou mauve. Mais comment voyons-nous les différentes couleurs? Plusieurs éléments influencent notre perception des différentes couleurs, dont une variation de la source de lumière, une variation de l’objet même ou une variation de l’observateur.
Une variation de la source de lumière : Un changement de source lumineuse peut affecter considérablement une couleur. Il peut faire la différence entre un orange cantaloup sur l’étalage d’un magasin ou un orange brûlé au soleil de midi. Lorsque l’on souhaite voir une couleur donnée, il faut spécifier la source lumineuse.
Une variation de l’observateur : De nombreux facteurs peuvent influencer ou modifier la perception de la couleur chez un observateur. Il peut s’agir de facteurs de santé, d’humeur, d’émotions, de fatigue, ou des différences inhérentes entre deux observateurs ou encore de l’environnement dans lequel les couleurs sont observées.
LA COULEUR, TRAIT D'UNION ENTRE LA SCIENCE ET L'ART
Couleur et lumière : Qu’est ce qui entre en jeu dans la perception d’une couleur ? Pour bien le comprendre, précisons ce qu’est la lumière blanche. C’est une lumière résultant de la superposition d’ondes électromagnétiques que nous pouvons détecter à l’aide de l’œil. Elle peut notamment être issue du Soleil, d’une lampe.
La lumière est en fait polychromatique, c’est-à-dire composée de plusieurs couleurs correspondant à plusieurs ondes électromagnétiques périodiques. Il est possible de la disperser, c’est-à-dire de séparer les différentes lumières colorées monochromatiques qui la composent.
Cela peut se faire à l’aide d’un système dispersif tel qu’un prisme. Chacune des lumières colorées emprunte alors une direction différente. La couleur d’une lumière est donc liée à la nature du champ électromagnétique et à la longueur d’onde associée. Elle est aussi une construction de notre cerveau. Lorsqu’une lumière de longueur d’onde donnée frappe la rétine, il se produit en effet une réaction par laquelle la molécule de rétinal change de conformation, entraînant une série de transformations biochimiques dont le résultat est une impulsion électrique qui est transmise au cerveau par le nerf optique.
SYNTHÈSE ADDITIVE D’UNE LUMIÈRE COLORÉE, SYNTHÈSE SOUSTRACTIVE PAR UNE MATIÈRE COLORANTE
dans nos yeux, nous avons des cônes, des photorécepteurs de l’œil. ceux-ci sont principalement sensibles dans le bleu, le vert et le rouge. C’est cette propriété physiologique de la vision humaine qui est à la base de la trichromie. Ce procédé consiste à produire toutes les couleurs par synthèse, à partir de trois couleurs convenablement choisies dont aucune ne peut être synthétisée par combinaison des deux autres : ce sont les trois couleurs primaires (3). Pour obtenir l’ensemble des lumière colorées, on peut procéder par synthèse additive, c’est-à-dire par émissions de trois lumières : rouge, verte et bleu. Les principaux résultats de cette synthèse peuvent être résumés par les combinaisons suivantes.
LES PIGMENTS DU PEINTRE
En peinture, un pigment désigne une substance colorante insoluble dans le milieu qu’elle colore. Sa dispersion dans un liant donne une peinture qui peut être appliquée sur un support. Le peintre utilise des pigments depuis l’Antiquité. Le XIXe siècle constitue cependant un tournant décisif en raison des progrès de la chimie. Les pigments peuvent être naturels ou issus de la synthèse, d’origine minérale, animale ou organique. En voici cependant quelques-uns montrant bien le lien qui existe entre la chimie et l’art. Les premiers pigments utilisés dès l’ère paléolithique, étaient issus du charbon, qu’il soit d’origine minérale, animale ou végétale (obtenu par calcination du bois ou des os par exemple). La couleur noire pouvait aussi provenir du dioxyde de manganèse. La palette des jaunes, orangés et rouges était obtenue grâce aux ocres, roches dont l’élément essentiel est le fer.
En Égypte antique, de nombreux pigments étaient d’origine naturelle, tel l’orpiment, un sulfure d’arsenic (As2S3) (5) au jaune vif imitant l’or (hautement toxique) ou le vermillon, sulfure de mercure (HgS) d’un rouge éclatant. Mais c’est sûrement dans cette région que sont nés les premiers pigments synthétiques : les fameux bleu et vert égyptiens apparus vers 2 500 av. J.-C., et exportés par la suite dans tout l’empire romain. Une propriété recherchée d’un pigment est sa capacité à renvoyer la lumière. Dans cette perspective et aussi pour imiter l’or, du XIVe siècle au XVIIIe siècle, les peintres employaient le jaune de plomb et d’étain.
Dans certains tableau, l'aspect lumineux est renforcé par l’utilisation d’une sous couche de blanc de plomb, chargée de renvoyer les rayons lumineux ayant éventuellement traversé le pigment jaune. Ce pigment blanc est un carbonate basique de plomb ((PbCO3)2,Pb(OH)2) qui possède lui aussi un puissant indice de réfraction. Cela lui donne un aspect lumineux et lui confère un fort pouvoir couvrant. C’est pour cette raison qu’il fut le principal pigment blanc employé depuis l’Antiquité jusqu’au milieu du XIXe siècle. Son procédé de fabrication remonte à l’époque romaine : des feuilles de plomb étaient exposées pendant plusieurs semaines à des vapeurs de vinaigre (acide acétique) dans un récipient en argile. L’acétate de plomb ainsi obtenu était transformé en carbonate par réaction avec du dioxyde de carbone (CO2) provenant par exemple du fumier. La croûte de blanc de plomb était séparée du métal non réagi, puis broyée et lavée. Il a cependant l’inconvénient de noircir en présence de polluants industriels, car il se transforme en sulfure de plomb noir. Il est de plus extrêmement toxique. Il fut donc remplacé à partir de la fin du XVIIIe siècle par le blanc de zinc, constitué d’oxyde de zinc (ZnO) et très utilisé par Van Gogh, puis par le blanc de titane, constitué d’oxyde de titane TiO2 apparu en 1919. En raison de son indice de réfraction exceptionnellement élevé (environ 2,6), ce dernier est le plus diffusant de tous les pigments blancs et c’est donc lui qui donne le blanc le plus lumineux.
La famille des pigments bleus est peut-être celle qui a le plus bénéficié des apports de la chimie. Le cas du bleu outremer est particulièrement intéressant. Il a en effet fallu attendre 1828 pour qu’il soit enfin synthétisé et les années 1960-70 pour que son origine soit parfaitement comprise. Auparavant, il était extrait d’une pierre semi-précieuse importée d’Afghanistan : le lapis-lazuli. Le procédé d’extraction était long, difficile et d’un coût exorbitant : plus élevé que l’or ! On dit même que Michel-Ange n’avait pas les moyens de se le procurer. Un tel coût explique pourquoi ce pigment était principalement réservé à la peinture de scènes religieuses dans les enluminures du Moyen Âge. C’est grâce aux progrès de la chimie de la fin du XVIIIe siècle en matière d’analyse et de synthèse qu’il a enfin pu être synthétisé à moindre coût. D’autres pigments bleus synthétiques sont très utilisés, comme le bleu de cobalt et le bleu de Prusse, employés par Pablo Picasso lors de sa « période bleue ». Le français Yves Klein peignit quant à lui des œuvres monochromes dans les années 1950-60 avec son pigment IKB (International Klein Blue) qui l’a rendu célèbre. La formule de ce bleu Klein, a été mise au point avec un jeune chimiste, Édouard Adam.